Sokeisen, un peu d'histoire

Publié le par XIII

Suite à quelques échanges ces derniers jours (via internet ou avec d'autres étudiants étrangers) sur la nature de la concurrence entre Waseda et Keio, je suis tombé sur des articles assez intéressants (en anglais) en faisant quelques recherches.
J'ai choisis d'en traduire un, publié dans le journal de l'université  il y a 2 ans. Il apporte un peu d'éclaircissement sur certains points, tout en faisant le lien avec l'Histoire, celle avec un grand H. J'ai tenté d'atténuer un peu le coté larmoyant de certains passages -tout en le conservant, afin de conserver certains aspects importants- , donc n'hésitez pas à vous référer à la version anglaise (ou mieux, japonaise) donnée en lien en fin d'article.





061e1.jpg


Avec une première rencontre remontant à  1903, le match de baseball entre Waseda et Keio s'est forgé une histoire de plus de 100 ans. Parmi tous ces matchs, l'un deux est resté connu sous un nom particulier, "le dernier So-Kei". Cette rencontre, disputée à l'automne 1943, juste avant le départ des étudiants pour le front a depuis été adapté sous la forme d'un roman et d'un film (Eireitachi-no-Oenka, The Last Game en anglais,)

Divers documents relatif à cette journée ont été exposés aux archives de Waseda le mois dernier (NdXIII, l'article date de juin 2005). Le récit de Takeo Mori, 84 ans, alors joueur de deuxième but pour l'équipe de Waseda, nous donne l'opportunité de revenir sur cette époque, et sur la signification de ce match si particulier.

Avant la Seconde Guerre Mondiale, les rencontres de baseball organisées par la ligue des 6 universités de Tôkyô, et particulièrement celle opposant Keio à Waseda, rencontraient un certain succès. Cependant, avec la situation de la guerre qui empirait, ce sport fût  la cible de critiques qui lui reprochait sa nature "étrangère", et en 1942 le Ministère de l'Education imposa la dissolution de la ligue organisatrice de ces rencontres entre universités de Tôkyô. Le tournois cet automne là, gagné par Waseda, allait etre le dernier.  En septembre 1943, le gouvernement Tojo décida de révoquer le privilège qu'avaient les étudiant à repousser à la fin de leurs étude leurs circonscriptions. Pour ceux-ci, l'heure de la monté au front était imminente.

"Nous souhaiterions jouer contre Waseda une dernière fois." La demande de l'équipe de Keio fût transmise de bonne grâce par Shinzo Koizumi, le président de Keio, qui demanda à l'équipe de Waseda la tenue d'un match.
La requête fût acceptée par Suishi Tobita, le manager l'équipe de Waseda qui s'empressa d'aller négocier avec la direction de son université et avec d'autres officiels. Mais Hodumi Tanaka, président de Waseda, ainsi que d'autres dirigeants de l'université s'y opposèrent dans un premier temps. La situation du Japon, déjà très mauvaise à l'époque, était mise en avant pour justifier la décision. La tenue du match semblait compromise. Mais le 10 octobre 1943, une rencontre informelle au stade Totsuka (plus tard stade Abe; aujourd'hui centre général d'information académique) fût négociée.
"Je fût surpris, mais en même temps heureux, en temps que joueur de baseball, d'apprendre ceci. Je pensais être tuer pendant la guerre. Je pensais ne jamais pouvoir jouer au Baseball de nouveau. Mais si je pouvais prendre part à la rencontre, prendre part à cette riche tradition, à cette longue histoire, recevoir ceci comme un cadeau de départ avant de monter au front, rien n'aurais réussi à me rendre plus heureux" Se remémore Takeo Mori. L'équipe de Waseda n'avait cessé son entrainement, même après la dissolution de la ligue des 6 universités. "M. Tobita nous avait enseigné que le "baseball n'était pas qu'une simple question de victoire ou de défaite. Il y avait des choses plus profonde à comprendre". Alors que le cours de la guerre empirait un peu plus tous les jours, il était difficile moralement de continuer l'entrainement sans le moindre but. Nous nous serrions les coudes en nous répétant que nous perpétuions les traditions de Waseda, et nous continuions l'entrainement.

"Ce sera le dernier SoKei, alors faisons de notre mieux avec le temps qu'il nous reste. Même avec le manque d'entrainement, Keio est l'adversaire parfait. Il ne nous reste plus que quelques jours, mais je poursuivrais jusqu'à la fin ma passion pour ce jeu" peut-on lire dans le journal de Mori à l'époque.

Sous un ciel d'un bleu profond (NdXII, clin d'œil de l'auteur à Konpeki no sora, l'hymne de Waseda, qui commence avec ces mots), la partie commença à midi devant des gradins remplis des étudiants des 2 universités. Waseda allait s'imposer 10 à 1.

"A l'époque, les 2 équipes étaient de force égale. Cependant, la décision de tenir le match n'ayant été prise qu'à la dernière minute, les joueurs de Keio n'avaient pas eu suffisamment de temps pour s'entrainer. Ils étaient sur le point de rentrer chez eux pour leurs dernières vacances avant leurs enrôlements. Pour l'heure, la victoire ou la défaite n'était pas la question du jours. L'atmosphère était bien différente de celles des matchs de ligue, pour les joueurs comme pour les spectateurs. La partie achevée, vous pouviez entendre le chant militaire "Umi Yukaba" (NdXIII, le chant des kamikazes avant leurs derniers envols) entonné par quelques personnes dans le public. Bientôt, sous l'effet de l'émotion, elle fût reprise par chaque spectateur dans les gradins, en tenant ses voisins par les épaules. Les joues parcourus de larmes, ils continuèrent en entonnant à plusieurs reprises les chansons des 2 universités. Les supporteurs étaient unis pour un instant dans l'émotion du match, mais aussi par l'amertume de leurs départs imminents.

Aucun compte rendu précis de la rencontre n'avait été trouvé jusqu'à présent, mais l'histoire de ce match, portée par les souvenirs des joueurs et des spectateurs de l'époque, était passé au rang de légende. Cependant, l'année passée, 60 ans après les faits, Koichi Asanuma, l'ainé des fils de Yoshio Asanuma, l'ancien entraineur des Tôkyô Giants, a retrouvé le livret de score de son père, à l'époque en 2ème année au Rikkyo Junior High School. Le manuscrit créa une certaine émotion lors de sa première exposition.

Puis vint le moment du départ au front. "Ce dont je me souviens, c'est la mer du Japon, de nuit, sur le pont d'un bateau  à destination de la Mandchourie. L'éclairage du navire avait été coupé afin de ne pas être repéré par des ennemis. La mer était d'un noir profond. En regardant l'océan, je pensais " il se peux que je ne reviennes jamais, mais au moins j'aurais achevé ma vie dans le baseball de la meilleur des manières." J'étais submergé d'émotions."

Il n'y eu aucune victime parmi les joueurs de Keio, mais 4 des joueurs de Waseda perdirent la vie avant la fin de la guerre. L'un d'eux, voltigeur de gauche, Kiyoshi Kondo, acheva sa vie comme Tokkotai (Kamikaze) à Okinawa. Pendant le conflit, 7000 étudiants, professeurs et anciens de Waseda comme de Keio périrent.

Après la guerre, M. Mori, qui avait été interné en Sibérie, n'appris la mort de ses amis qu'après son retours au Japon. "Après mon retour, j'ai eu la chance de pouvoir de nouveau être en contact avec le baseball, et je suis fier d'avoir appartenu à l'équipe de Waseda en ces temps troublés. Je ne peux m'empêcher d'éprouver encore aujourd'hui une profonde peine pour mes amis mort au combat, car moi, j'ai survécu. Beaucoup de personnes, et pas seulement de Waseda, tous ceux qui auraient pût devenir les stars de la ligue professionnelle, y ont laissé la vie. L'autre jours alors que je visitais Waseda, je me suis promené dans l'Okuma Garden, là ou a été érigé le monuments à la mémoire des étudiants morts au front. La vue des étudiants y prenant leurs repas m'a en quelque sorte apaisé. J'aimerais que les actuels étudiants de Waseda comprennent ces temps de guerre, et comment ceux-ci brisent nos perspectives d'avenir, et joies d'apprécier le baseball."


Waseda Weekly
- 2 juin 2005



Publié dans Waseda

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
X
Ca permet surtout de travailler un peu ma version (même si on n'en fait plus en master).<br /> <br /> Le second article en lien est plus sympa et plus simple. Les mémoires d'étudiant d'un prof alors qu'il arpentait Kabuki-cho, ca vaut la lecture ...
Répondre
Y
Coucou!<br /> Quand j'aurais le cerveau moins explosé ji'rais voir la version anglaise!<br /> Mais en tout les cas belle traduction :), merci beaucoup ^^!<br /> J'sais pas pourquoi mais j'ai pas pu m'empecher de penser au tombeau des lucioles (hors sujet).<br /> Cest un très bel article en tout les cas ^^!
Répondre